Alors qu’il respectait les règles du marathon de Paris disputé le 3 avril dernier, un coureur français a été la cible de remarques négatives de la part des commentateurs de France 3.
Dès le début de la course, les deux commentateurs à côté de la plaque, Patrick Montel et Bernard Faure, n’ont pas du tout été tendres avec le « plaisantin qui n’est pas connecté avec son corps ». Le consultant en rajoute une couche en déclarant qu’il pollue le début de course, qu’il n’est pas à sa place et qu’il fait de l’ombre aux Kényans.
Ce n’est pas la première fois que Patrick Montel est l’auteur d’une boulette. En août 2015, le « journaliste » n’avait pas reconnu le célèbre pianiste Lang Lang. Ou encore en 2012, il avait blagué sur le handicap. À quand la démission de Patrick Montel ? On ne le saura jamais…
Quelques heures après le marathon, le coureur Alexis Valtat a réagi sur Facebook :
En réponse aux commentateurs (Messieurs Montel & Faure).
Dimanche dernier, j’ai eu le plaisir de parcourir 600 mètres en tête du marathon de Paris 2016. Moi l’amateur, le « fantaisiste » qui a couru près de 14 000 km ces 5 dernières années, enchainé jusqu’à 7 séances par semaine, sur piste, asphalte, lors de cross, trail, courses sur route, je me suis dit « et si t’allais taper la balle avec Federer, taper la lulu à Buffon, faire un round avec Mohammed Ali ». Bon ok le round avec Mohammed n’aurait peut-être pas duré 600m ! Par contre, dimanche j’ai tenu tête à Korir, Koech, Kiprotich et consort ! Ok ok que 600m, mais bon c’était un jour sans, je tenterai à nouveau la qualif pour Rio dans quelques semaines!
Messieurs Montel et Faure, quelle déception d’entendre vos commentaires. Je suis tombé de haut. Mais s’il ne s’agissait que de déception, je ne serais pas en train d’écrire ce message. Vos propos sont condescendants, irrespectueux, conservateurs et racistes.Tout d’abord, je tiens à vous signaler que le « plaisantin pas connecté avec son corps », court le marathon en 2h39, temps qui m’a permis d’avoir un dossard préférentiel justement et de commencer à « ma place ». Pas d’entourloupe, aucune, sur la ligne j’avais mon dossard et mes jambes comme tout le monde et comme tout le monde j’ai commencé à courir. Vous savez, ce qui est beau dans ce sport, c’est justement que des amateurs, passionnés comme moi, puissent jouer le match… Je pensais que cette idée vous plaisait mais force est de constater que bousculer un ordre établi vous fait peur. Tiens donc un ordre établi ? Monsieur Faure, je suis sincèrement désolé d’avoir « pollué » ce début de course. Excusez moi d’avoir voulu vivre un moment intense, presque un rêve, en tout droit, avec mes jambes et mon dossard ! Excusez-moi de ne pas avoir « été à ma place », d’avoir fait de l’ombre « aux kenyans ». Je l’ai bien vu, les 600 mètres où j’étais devant les a perturbés. Ils tremblaient, ils s’en souviendront du fantaisiste du marathon de paris 2016 ! Pas à ma place? Hum…j’aimerais bien que vous développiez ce point s’il vous plait. A quelle vitesse j’aurais dû courir ? Mon prochain 10km je devrais partir à quelle allure ? Vous pourriez me dire mes futurs chronos svp ? et sinon qui a le droit de courir vite ? quelles sont les conditions ? s’agit-il de montrer son passeport pour mener une course? C’est ma couleur de peau qui n’allait pas ?
Aussi pourriez-vous faire le lien avec l’arrivée de Berlin dont vous parlez ? Non parce que là je cherche encore… Pour rappel, lors de l’ arrivée du marathon de Berlin 2013, un petit plaisantin (je trouve le terme sympa) avait coupé la ligne d’arrivée devant Kipsang. Le rapport avec mon départ ?Mais je crois que la cerise sur le gâteau c’est lorsque vous dites qu’« il y a des images à ne pas faire » et que je « manque de respect ». Alors là… J’ai dû réécouter plusieurs fois pour le croire. Mes oreilles saignent encore ! Donc on reprend. Il y a un coureur amateur, français, en tête du marathon de Paris et il ne faut surtout pas montrer cela ! Ho hé ! ho hé ! Je ne suis pas un islamiste de Daesh en train de découper une tête ! Je courais juste, en tête du marathon, en ayant respecté toutes les règles. Je vivais, intensément ! De mon plein droit, j’ai pris le départ, et j’ai couru. J’ai le plus grand respect pour ces coureurs. Je sais ce qu’ils endurent pour arriver à ce niveau.
Voilà, j’ai trouvé votre intervention irrespectueuse envers moi mais également vis-à-vis des 57 000 amateurs et de tous ceux qui ne sont pas kenyans et qui n’ont pas le droit d’être devant. Vous avez condamné un acte sportif, un rêve. Chacun à sa place. Ne changeons rien, surtout. Ne tentons pas et ne rêvons pas.
Merci les gars.
Patrick Montel s’est expliqué et excusé ce mardi midi suite à cette affaire sur sa page :
Mise au point apaisée et bienveillante
Tout d’abord, mille excuses pour le marathonien inconnu dont j’ai brisé le rêve. Si j’avais imaginé l’importance que revêtais pour lui, ce départ en fanfare, je me serai volontiers abstenu de tous commentaires. Personne en effet n’est qualifié pour juger de la pertinence d’un rêve qui s’épanouit au plus profond de l’intime. J’espère donc qu’il acceptera mes excuses les plus sincères sur ce point précis.
J’aurai pu me contenter de lui adresser ce petit message personnel mais la volée de bois vert qui m’a été infligée sur les réseaux sociaux me conduit à faire cette petite mise au point.
-J’ai utilisé l’adjectif plaisantin pour qualifier cette présence incongrue dans le groupe de tête. Plaisantin : Qui ne peut être pris au sérieux.
Comment prendre au sérieux un athlète qui a un record personnel de 2h39 (ce qui est déjà en soi remarquable) et qui s’élance sur les bases du record du monde ?
-Chaque année dans la semaine qui précède le marathon, beaucoup d’amis FB connus ou inconnus me demandent de passer des petits messages à l’antenne. J’essaye à chaque fois de les satisfaire le mieux possible. Cela fait partie des petites connivences qui heureusement existent dans la communauté du running. (Pour info je cours assidument 3 à 4 fois par semaine depuis plus de 25 ans)
Cet athlète en choisissant Paris pour réaliser l’un de ses rêves savait pertinemment que les caméras immortaliseraient cet instant et que du coup il ne terminerait pas le marathon. S’il m’avait averti en amont de sa démarche, ma réaction eut été tout autre.
-Bernard a parlé d’irrespect. C’est son expertise. Je pense qu’il sait de quoi il parle. Pour mémoire il a été sacré champion de France de la discipline et son record personnel sur la distance est de 2h12. Depuis près de 30 ans, sa bienveillance, ses analyses et sa pertinence techniques font autorité dans ce domaine.
– Mes contempteurs n’auront retenu que quelques secondes sur près de 3 heures de retransmission télévisée. Je pense néanmoins que l’équipe sur place a honnêtement accompli sa mission, accordant autant d’importance à l’élite, aux anonymes et à Paris. Je me permets de décerner une mention spéciale à la course fauteuil qui n’avait jamais été traitée aussi largement et dont le final époustouflant a tenu les téléspectateurs en haleine.
-Enfin et c’est ce qui m’attriste le plus, j’ai été traité de raciste par l’athlète dont j’ai brisé le rêve. Qu’il sache à son tour qu’il me blesse au plus profond de moi. J’ai fait de la lutte contre le racisme le seul véritable combat de ma vie. Si j’aime intensément les coureurs et la course à pied, c’est parce que justement la sueur, l’effort et la souffrance gomment les différences de statut social de religion et de couleur de peau.
-Qu’un individu isolé sous le coup de la déception puisse utiliser ce qualificatif à mon encontre me navre profondément, mais que personne ou presque dans la communauté du running ne s’offusque de cette accusation me touche infiniment plus.
-Cette mise au point n’entame néanmoins pas mes convictions profondes. Je reste persuadé que le sport en général et l’endurance en particulier portent en eux des valeurs à défendre coûte que coûte en ces temps incertains.