Des micro-algues vivantes dans des tubes photoréacteurs transparents qui recouvrent un immeuble d’habitation, filtrent les eaux usagées et les transforment en énergie, produisent chauffage, électricité, bio-carburant pour les transports, tout en se reproduisant allègrement devant les yeux des passants, vous n’y croyez pas? Science fiction? Et bien non! Bienvenue dans le monde bien réel de l’or vert ! Ou algoculture (en latin comme son nom l’indique).
Développement durable des villes, écologie et économie d’énergie obligent, à partir de 2020, en France, les bâtiments neufs devront générer plus d’énergie qu’ils n’en consomment. Urbanistes, architectes, scientifiques, planchent depuis plusieurs années sur la question. Avec des essais et résultats plus ou moins heureux et concluants… Mais là ça y est ! Tous tombent d’accord pour annoncer que l’algue verte est la prochaine véritable révolution en matière d’urbanisme et de réduction énergétique. Il parait qu’elle est même capable de chauffer des gratte-ciels entiers… Vous n’aimez pas le vert? Et bien il va falloir vous y faire car les façades de nos villes ont de grande chance de ressembler prochainement à ça :
Pourquoi tant de vert pomme partout me direz-vous ? Parce que cette algue est vert pomme comme vous l’aurez compris, et que c’est grâce à la lumière qu’elle capte le CO2 et rejette de l’oxygène, d’où la nécessité de la transparence des tubes sur les façades ! Melle algue, bonne fille, n’est pas coûteuse en frais de bouche : elle se nourrit exclusivement de déchets des eaux usées. Miam ! Elle est en outre un excellent isolant thermique pour nos habitations, contre le froid l’hiver et le chaud l’été.
Mais ce n’est pas tout ! Son phytoplancton se développe (sous les yeux des passants oui), devient mûr, et est alors retiré du circuit afin d’être traité. Pour en obtenir quoi ? De l’huile végétale pardi ! Et de la biomasse, et aussi du gaz ! Pour en faire quoi ? La biomasse servira de source de chauffage ou d’électricité tout comme l‘huile végétale, plus efficaces que le photovoltaïque : Miss algue produit 120 kWh par m² contre 100 kWh par m² pour Miss Photovoltaïque. Son huile végétale pourra également être utilisée comme biocarburant pour les transports. De l’or en barre on vous dit !
L’or vert!
Deux start-up françaises ont bien compris le coup et pris le virage avec un train d’avance : l’agence d’architecture X-TU et son projet Symbio2 qui développe, avec le concours du laboratoire CNRS Gepea de Nantes, depuis 2007 des murs rideaux intégrant la culture des microalgues. Et Ennesys, une jeune entreprise de Nanterre spécialisée dans le recyclage des déchets, qui ne cesse de perfectionner le système : les eaux usées sont grâce à l’algue désormais dépolluées à 99,9 %. Ce taux est suffisant pour permettre de réutiliser ces eaux pour l’arrosage et les chasses d’eau.
Si vous voulez voir de plus près cette technologie encore expérimentale (plus pour longtemps…) et ce phénomène or vert, foncez à l’exposition et laboratoire public d’architecture sur les algocultures qui se tient au Pavillon de l’Arsenal à Paris jusqu’au 9 février 2014. Vous y découvrirez Miss algue en chair et en os ainsi que ce prototype de mur-algues :
Il s’agit bien d’une exposition laboratoire, des chercheurs, en plus de s’assurer du bon fonctionnement du système, procèdent à intervalles réguliers et au moyen de sondes, à des mesures des conditions de cultures (pH et températures) et à des analyses des différents paramètres de production des microalgues. Le visiteur peut d’ailleurs voir les relevés manuscrits sur un tableau situé à côté du démonstrateur.
Unique au monde : la Maison aux algues d’Hambourg !
Et si vous êtes vraiment séduit par cette petite algue verte miraculeuse, foncez à Hambourg ! Dans le quartier de Wilhelmsburg, vous y découvrirez en avant première mondiale la façade de la « Maison aux algues » qui produit sa propre chaleur. Venant juste d’être inaugurée, cette maison intelligente est l’une des grandes attractions de l’Exposition internationale du bâtiment (IBA) organisée à Hambourg cette année :
Dans ce quartier neuf qui vient de sortir de terre, les bâtiments techniquement tous novateurs sont conçus pour faire face aux changements climatiques : aller vers une ville durable, mais aussi faire face à la montée des eaux ! La maison algue ou Smart BIQ house de son petit nom a été imaginée par le cabinet d’architecture Splitterwerk et la société d’ingénierie Arup.
S’échelonnant sur quatre étages, sa façade comporte 129 panneaux en verre remplis d’eau et des nutriments nécessaires à la survie des petites chlorelles, le type d’algue verte choisie pour le projet et originaire de la région. Le système est simple : l’eau dans les panneaux est continuellement brassée. Les algues utilisent la lumière du soleil pour la photosynthèse, absorbent du CO2 et produisent de la biomasse. Dans la salle des machines installée au rez-de-chaussée du bâtiment, la biomasse est transformée en chaleur, stockée, puis utilisée pour le chauffage des locataires qui économiseraient jusqu’à 1 000 euros par an, grâce à l’énergie produite par les microplantes! Pas belle la vie en vert fluo ?
L’algoculture semble donc bien être la technologie d’avenir. Rentable à partir de 4 000 m² de surface, sa commercialisation à grande échelle ne devrait plus tarder. Actuellement, un pilote est à l’essai à La Défense. Juste le temps que vous vous habituiez à voir la vie en vert !
PAVILLON DE L’ARSENAL, 21, Bld Morland, 75004, Paris.