Alexis Jenni remporte le Goncourt 2011 avec son roman l’Art Français de la Guerre, aux éditions Gallimard, qui est le premier roman de l’auteur, âgé de 48 ans et prof à Lyon. Il succède à Michel Houellebecq.
« J’allais mal ; tout va mal ; j’attendais la fin. Quand j’ai rencontré Victorien Salagnon, il ne pouvait être pire, il l’avait faite la guerre de vingt ans qui nous obsède, qui n’arrive pas à finir, il avait parcouru le monde avec sa bande armée, il devait avoir du sang jusqu’aux coudes. Mais il m’a appris à peindre. Il devait être le seul peintre de toute l’armée coloniale, mais là-bas on ne faisait pas attention à ces détails.
Il m’apprit à peindre, et en échange je lui écrivis son histoire. Il dit, et je pus montrer, et je vis le fleuve de sang qui traverse ma ville si paisible, je vis l’art français de la guerre qui ne change pas, et je vis l’émeute qui vient toujours pour les mêmes raisons, des raisons françaises qui ne changent pas. Victorien Salagnon me rendit le temps tout entier, à travers la guerre qui hante notre langue. »
Alexis Jenni.
« L’armée en France est un sujet qui fâche. On ne sait pas quoi penser de ces types, et surtout pas quoi en faire. L’armée en France est muette, elle obéit ostensiblement au chef des armées, ce civil élu qui n’y connaît rien, qui s’occupe de tout et la laisse faire ce qu’elle veut. Ces militaires on les préfère à l’écart, entre eux dans leurs bases fermées de la France du Sud, ou alors à parcourir le monde pour surveiller les miettes de l’Empire. On préfère qu’ils soient loin, qu’ils soient invisibles ; qu’ils ne nous concernent pas. On préfère qu’ils laissent aller leur violence ailleurs, dans ces territoires très éloignés peuplés de gens si peu semblables à nous que ce sont à peine des gens. »