BZP, c’est son nom. Déjà des millions de pilules vendues dans le monde. Et légalement, dans la plupart des pays. Le marché des « drogues légales » est en train d’exploser…
BZP, ce sont les initiales de benzylpiperazine. Elle a aussi ses petits surnoms : Pep ou Bliss. A vrai dire, la famille des piperazines a déjà une longue histoire. A l’origine, c’était un produit pour éliminer les parasites du bétail. Des petits malins ont découvert ses propriétés psycho-actives et l’ont parfois vendue dans les raves comme de l’ecstasy. Mais on a découvert que sous sa forme initiale elle attaquait le foie, et elle a été interdite aux Etats-Unis en 2002. Mais tout change grâce à un entrepreneur néo-zélandais, Matt Bowden, un ex-musicien qui connu l’addiction aux amphétamines et au MDMA (ecstasy).
Avec l’aide d’un professeur de pharmacologie, il met au point la BZP, une variante qui explose la tête mais ne touche pas au foie. Une drogue « safe », non addictive et sans risque d’overdose. En 2002, il crée sa compagnie, Stargate, dont l’objectif est de fabriquer des drogues légales et sans danger, des alternatives aux drogues vendues sous le manteau. Le succès de la BZP est foudroyant, surtout dans sa forme mélangée avec une autre piperazine, la TFMPP (trifluorophenylmethylpiperazine), qui donne un effet relaxant et euphorisant qui la rend semblable à une ecstasy « douce ». Depuis, Stanley Bowden, rejoint par d’autres entreprises, vendent un million de pilules par an, pour un chiffre d’affaire de 50 millions de dollars néo-zélandais, l’équivalent de 12 millions d’euros chaque année. La BZP coûte 12 fois moins cher que l’ecstasy, d’où une nette diminution de la consommation d’ecsta dans les pays où elle est encore légale. Une enquête récente montre que 20 % des néo-zélandais l’ont déjà essayée, surtout dans la tranche des 20-30 ans.
Cela dit, ses effets à long terme sont mal connus, et un petit nombre d’utilisateurs ont fini à l’hôpital pour des crises d’anxiété, de nausée ou de palpitations, souvent dues à la prise d’une dose plus importante que la quantité prescrite, 200 milligrammes. Par ailleurs, elle produit le lendemain une sérieuse gueule de bois. La BZP vient dont d’être interdite en Australie, au Japon, au Danemark, en Suède et en Grèce. Partout ailleurs, elle reste légale. A notre connaissance, elle n’est pas en vente en France, mais on trouve, notamment à Londres, des boutiques spécialisées dans les drogues légales, comme la BZP ou la Salvia Divinorum (sauge des devins), dont le principe actif, le salvinorum A, existe aussi en cristaux. Elle est interdite pour l’instant dans 4 états américains, et légale ailleurs. Elle produit un état hallucinatoire de « sortie de corps » pendant environ 5 minutes. La plupart des consommateurs l’essaient une fois par curiosité mais n’y reviennent pas. Une autre plante a décollé récemment, le kratom, extrait d’un arbre d’Asie du Sud-Est, qu’on appelle parfois le « speedball végétal », pour ses propriétés euphorisantes et énergisantes. Son principe actif est la mitragynine, qui se lie aux récepteurs kappa des opioïdes endogènes. Elle est légale partout sauf en Thaïlande et en Australie. Déjà populaire aux Etats-Unis, le kratom sera probablement interdit quand sa consommation atteindra un niveau suffisant. Mais la course poursuite entre les autorités et les fêtards est irrémédiablement engagée. Il suffit de penser aux 230 substances psychédéliques inventées par Alexander Shulgin, ou à toutes les plantes encore inconnues en dehors de leur région d’origine. Qu’on le veuille ou non, pour le meilleur et pour le pire, nous vivons le siècle des drogues récréatives !
Jean Pierre Lentin