Accusé de violences sexuelles, Piotr Pavlenski dénonce une machination du pouvoir en place pour le décrédibiliser. Vérité ou fantasme, toujours est-il qu’il se réfugie en France, avant de faire une demande d’asile officielle.
L’artiste engagé
Âgé de 32 ans, Pavlenski pratique ce qu’il appelle « l’art politique ». Il jouit d’une certaine renommée en Russie comme dans le reste du monde pour ses « actions ». Le but avoué est de dénoncer le contrôle du pouvoir sur la société et les individus. Cela lui a évidemment attiré des ennuis avec les forces de l’ordre à plusieurs occasions.
Par exemple, il s’était mutilé l’oreille devant un hopital psychiatrique en 2014. C’est également lui qui avait mis le feu à la porte des services secrets russes.
Cependant, c’est cette fois pour une affaire de mœurs qu’il est accusé.
Accusé de violences sexuelles en réunion
Le 14 décembre dernier, l’artiste est interrogé par la police et apprend qu’il est suspecté, ainsi que son épouse, à l’encontre d’une actrice russe. Risquant jusqu’à 10 ans de prison, Pavlenski fuit avec sa femme et ses deux filles jusqu’à Kiev, en Ukraine, avant de finalement rejoindre Paris.
Si il admet entretenir une relation « proche »avec l’actrice, il dément toute violence ou menace. Lorsque elle affirme avoir été lacérée à coups de couteaux, Pavlenski prétend que c’est un coup monté par l’administration de Poutine pour le décrédibiliser et faire taire sa voix.
Dominique Derda, correspondant pour France 2 à Moscou a suivi l’affaire avec attention.
« Il y a beaucoup d’interrogations autour de ce dossier, remarque-t-il. L’actrice qui se dit victime de violences est tout sauf une égérie poutinienne, elle vient d’un des rares théâtres anti-pouvoir. Et ses collègues affirment qu’elle n’est pas du tout mythomane. »
Pour Derda, la vraie question est de savoir si cela profite au gouvernement de voir Pavlenski exilé, plutôt qu’en Russie, même emprisonné.
Un public nombreux mais pas conquis
Son départ est remarqué en Russie où, si la majorité des habitants soutient le régime de Vladimir Poutine, Piotr Pavlenski est « l’une des plus importantes voix de la contestation », note Dominique Derda.
Spécialiste de l’art contemporain russe à l’Université Montaigne de Bordeaux, Alice Cazaux voit en Piotr Pavlenski l’héritier d’un courant artistique né dans les années 90, après la chute de l’Union Soviétique. Ceci expliquerait en premier lieu pourquoi la mutilation physique est souvent au cœur des actions de l’artiste, ainsi que la nécessité d’affronter intellectuellement les forces de l’ordre.
« C’était une période de crise associée à un grand vent de liberté. Ces artistes ont voulu tester les limites et voir jusqu’où ils pouvaient aller avant d’être emmenés au poste de police. La confrontation avec la police étant partie prenante de l’acte artistique. »
Piotr Pavlenski faisant lui-même souvent référence à Gustave Courbet ou encore les anarchistes italiens, il admet que cette facette hautement provocatrice de son oeuvre lui assure une audience aussi large que le choc peut-être grand.
Cependant, Dominique Derda avance que le pouvoir en place n’aura « aucun mal » à utiliser le récent exil de l’artiste pour influencer l’opinion du public russe, le faisant ainsi passer pour un privilégié « qui ne vit pas les difficultés russes. »
Visiblement, Piotr Pavlenski préfère néanmoins la diffamation à la prison. Et bien qu’il ne parle ni français, ni anglais, semble en paix avec l’idée de vivre en France.
« C’est un pays dont la culture est très importante pour moi. Elle est le pilier de la civilisation européenne et à l’origine de la révolution russe. »
Un nouveau départ pour une renouveau d’inspiration ?