Après Nomad Soul, Fahrenheit et surtout Heavy Rain, le studio français Quantic Dream et son créateur David Cage sont de retour avec Beyond : Two Souls, une nouvelle œuvre à part entière dans le décor vidéoludique. Entre jeu vidéo quasi passif et cinéma interactif, le jeu et ses mécaniques divisent une fois encore. En délaissant le polar au profit du surnaturel, Beyond : Two Souls séduira-t-il à nouveau les amateurs du genre et arrivera-t-il à attirer les réfractaires ? Place au test.
Bande annonce de Beyond : Two Souls
Il est difficile de tester un jeu comme Beyond : Two Souls en appliquant bêtement les mêmes critères que pour les autres jeux. Pour ceux du fond qui ne suivent pas, Beyond : Two Souls et Heavy Rain avant lui, le jeu le plus connu de Quantic Dream, sont des jeux au gameplay unique. Une mise en scène plus proche que jamais du cinéma notamment grâce à de la capture de mouvements pour les personnages et beaucoup de cinématiques et dialogues, une intrigue dotée de plusieurs fins et embranchements en fonction des choix du joueur et un gameplay simplifié au maximum pour toucher un large public, voilà les principaux ingrédients de la recette.
Dans Beyond : Two Souls vous incarnez Jodie Holmes (jouée par Ellen Page) durant 15 ans de sa vie. Celle-ci est accompagnée en permanence par une entité mystérieuse et invisible du nom de Aiden. Du fait de son humeur changeante et protectrice et de sa puissance (puisqu’elle peut traverser les murs, déplacer des objets, générer des flashbacks ou même prendre le contrôle des gens), Aiden va évidemment attirer des ennuis à l’enfant. Cet être surnaturel va amener Jodie à être étudiée, utilisée ou encore traquée durant tout le jeu dont on ne révèlera pas plus l’histoire.
Aiden et Eve
Reprenant donc la recette des jeux précédents, Beyond : Two Souls est orienté plus que jamais grand public. Pensés pour être actionnés même par les néophytes en jeux vidéo, les contrôles du jeu sont en majorité contextuels et très simples (déplacer le joystick dans un certain sens ou non, appuyer, rester appuyer ou tapoter sur une ou plusieurs touches lorsqu’elles apparaissent à l’écran, soulever la manette…etc.). Même les QTE (Quick Time Event) sont rarement punitifs quand ils sont loupés. Certaines actions manquées influenceront certes un peu l’histoire par moments, mais bien souvent le fait de manquer un geste empêchera juste le déblocage d’un succès et n’aura pas d’incidence véritable sans même parler de l’absence de game over. Le jeu se déroule quoi que fasse le joueur grâce à des pirouettes scénaristiques et ne propose donc pas de véritable challenge.
Par rapport à Heavy Rain cependant, deux nouveautés principales permettent de rafraichir un peu le gameplay qui reste somme toute très léger, voire superficiel par moments. Tout d’abord, durant les combats il faudra déplacer le joystick droit dans la même direction que le bras de Jodie, ce qui ajoute un peu de dynamisme. Ensuite, dans Beyond : Two Souls il est possible de contrôler Jodie mais aussi Aiden en passant de l’un à l’autre avec triangle afin de résoudre certaines situations. L’entité est également capable de découvrir des secrets cachés dans le décor permettant de débloquer des bonus comme des illustrations. Les déplacements de Jodie sont un peu balourds et ceux de Aiden manquent de contrôle et vont un peu vite. Au final comme dans Heavy Rain, de nombreuses actions demandées au joueur (pas toutes heureusement) seront surtout là pour lui donner l’illusion de participer à une histoire qui se déroule en grande majorité sans sa réelle intervention. À noter également la présence de phases d’infiltration qui valent ce qu’elles valent.
Une oeuvre bourrée de Cage(s)
La trame narrative passe son temps à faire des allers-retours dans les différentes périodes de la vie de Jodie (enfance, adolescence, âge adulte) et permet ainsi de faire connaissance avec elle, de s’y attacher, mais aussi de varier agréablement les évènements, lieux et ambiances. Malheureusement, les chapitres et passages réussis et marquants (tant techniquement qu’émotionnellement parlant) sont aussi nombreux que ceux ratés, lents et ennuyeux. En plus de cette narration morcelée qui dessert souvent l’histoire et l’intérêt qu’on peut lui porter, le titre est fortement muselé. Les zones à explorer sont la plupart du temps extrêmement cloisonnées (même Aiden ne peut pas voler très loin de Jodie), les objets et personnes avec lesquels il est possible d’interagir peu nombreux et même la caméra vous force régulièrement à regarder d’une certaine manière pour mieux raconter son histoire comme le jeu l’entend. Certes la mise en scène est excellente, notamment grâce au format 16/9ème qui facilite l’immersion et l’impression de vivre un film, mais bien souvent on se sent prisonnier de l’œuvre. Par ailleurs, si dans Heavy Rain des choix opérés par le joueur assez tôt dans le jeu influençaient ou donnaient vraiment l’impression d’influencer le cours des évènements (actions et dialogues), dans Beyond : Two Souls cette impression est bien moins présente hormis vers la fin où tout s’accélère et se décide véritablement. Dans le jeu précédent, bien des fois il fallait poser la manette pour réfléchir à un choix tandis qu’ici les décisions semblent bien moins primordiales et c’est dommage pour un jeu qui veut avant tout créer de l’empathie.
Heureusement, techniquement parlant le jeu est impressionnant. Pas très éloigné du magnifique The Last of Us, le dernier titre de Quantic Dream dispose d’une réalisation épatante pour une console en fin de vie. Une excellente modélisation et un bon jeu d’acteur (notamment d’Ellen Page et Willem Dafoe), une bande-son efficace par Hans Zimmer, une VF (quelques petits soucis de synchro labiale cependant) et des effets sonores soignés et surtout une mise en scène maitrisée font de ce jeu l’un des plus réussis dernièrement. Autre point technique intéressant, la possibilité de jouer à deux. Via deux manettes ou en utilisant l’application dédiée sur iOS et Android, un joueur contrôle Jodie et l’autre Aiden (toujours à tour de rôle cependant). Côté durée de vie, comptez une grosse dizaine d’heures pour un premier passage. À noter qu’il est possible de recommencer les chapitres (dont les différentes durées varient énormément) à loisir après les avoir terminés une première fois pour tenter de nouvelles approches. Au-delà de dévoiler une nouvelle fin (il y en a 23), rejouer des chapitres permet de découvrir des petites possibilités et subtilités qui peuvent nous avoir échappées.
Conclusion
Donner une note à Beyond : Two Souls n’a au final que peu de sens tant l’appréciation du joueur, au niveau du gameplay et de l’histoire racontée, variera en fonction des sensibilités et attentes de chacun. Malgré un progrès technique incontestable, un casting hollywoodien, une réalisation quasi irréprochable et une plus grande variété qu’Heavy Rain, Beyond : Two Souls ne devrait pas convaincre les détracteurs des jeux précédents du studio de tenter l’aventure malgré la promotion massive de David Cage. Concernant ceux qui ne connaissent pas ou ceux qui adhèrent aux œuvres de Quantic Dream, l’histoire de Jodie tantôt touchante tantôt clichée voire tantôt proche de l’insipide devrait malgré tout leur plaire dans l’ensemble. Et ce, malgré un titre moins impliquant et captivant que l’enquête d’Heavy Rain. L’histoire de l’héroïne et des personnages qu’elle rencontre reste heureusement dotée de plusieurs passages à sensations fortes et peut mériter d’être parcourue à défaut d’être véritablement jouée.
Note : 6/10. Passable
Beyond : Two Souls est disponible uniquement sur PlayStation 3 depuis le 9 octobre 2013.