Tyler Shields, né en 1982 à Jacksonville, Floride, est un ancien patineur professionnel et un photographe atypique reconnu. Il vit actuellement à Los Angeles.
Ses débuts
Avant d’investir le milieu de la photographie, Shields était un patineur en ligne professionnel. Il a participé aux jeux X Games de 1999 et 2000, et a effectué une tournée aux côtés de Tony Hawk en 2003.
Il commence sa carrière de photographe en publiant ses clichés sur Myspace. Son travail représentant en général des images violentes et sanglantes, il a d’ailleurs recueilli le sang de 20 célébrités pour en faire une œuvre d’art, exposée plus tard à Los Angeles. On lui doit aussi le fameux cliché de Lindsay Lohan transformée en vampire.
Depuis 2010, Shields a enchainé les clichés provocateurs et porteurs de messages, il a par exemple photographié sa petite amie Francesca Eastwood, ainsi qu’un jeune alligator mordant un sac Hermès d’une valeur d’environ 100.000 dollars. Ce qui déclencha une polémique, le public ne comprenant pas le message sous-jacent et s’offusquant de ce « gaspillage » hors de prix.
Fin 2013, Shields publie son recueil de photographies intitulé « The Dirty Side Of Glamour » représentant des actrices célèbres comme Emma Roberts ou Brittany Snow.
Shield a également été critiqué pour un shooting avec l’étoile montante de la série Glee, Heather Morris, ou l’on pouvait voir des photos où l’actrice posait avec un oeil meurtri. Ces clichés avaient pour but de mettre en lumière les violences conjugales dont les femmes étaient victimes. Shields dut s’excuser après avoir reçu de nombreuses menaces de mort.
Des réalisations de plus en plus contestées
Lorsque Tyler Shields capture le cliché provocant d’un homme noir nu pendant un membre du Ku Klux Kan au dessus d’une rivière, il pense avoir saisi une image forte, et avoir réalisé un travail qui fera réfléchir.
Cependant, lorsqu’il choisit de partager l’image, ses amis émettent de nombreuses réserves. Selon eux Shields « va beaucoup trop loin » et risque sa vie. Loin de freiner l’artiste dans sa démarche, ces réserves vont même le pousser à aller encore plus loin.
« Cela faisait longtemps que j’avais ces idées en tête, en fait, j’ai toujours eu ces images en tête. »
Si l’image déchaine les passions, elle dispose d’une puissance visuelle hors-normes, remettant en cause l’histoire même des États-Unis et son racisme sous-jacent qui a traversé les époques. Malaise, réflexion, ironie, ainsi que toute une palette de sentiments vous viennent à l’esprit lorsque vous contemplez ces réalisations.
Montrant un homme noir nu, les pieds dans l’eau boueuse et tirant de toutes ses forces sur une corde au bout de laquelle pend le cadavre d’un membre du Ku Klux Klan, cette photo provocante nous ramène au début du 20 ème siècle, quand la vie des noirs était dévalorisée et méprisée, et que les exécutions d’afro-américains ne portaient pas à conséquences.
Il est d’ailleurs difficile d’ignorer le parallèle entre ces clichés ironiques et les récents évènements tragiques qui se sont déroulés aux États-Unis. On peut citer les décès de Michael Brown Freddie Gray ou encore Natasha McKenna, symboles de cette haine raciale qui continue de sévir outre-atlantique.
Tyler Shields a déclaré que la perception de ce qu’était une « race » était au centre de son travail, et qu’il souhaitait déconstruire cette conception en proposant des images ou les rôles du bourreau et de la victime étaient inversés. En utilisant ces images volontairement choquantes, l’artiste espère que les mentalités évolueront rapidement.
« C’est obsédant, c’est choquant, et pourtant ceci n’est qu’une représentation de la nature humaine. »
L’artiste a résumé l’ensemble de son récent travail en une petite phrase :
« Traitez les autres comme vous voudriez qu’ils vous traitent, c’est la règle d’or. »
L’image ci-dessus fait partie de son dernier projet intitulé « Historical Fiction« , comportant 23 clichés très forts et porteurs d’un message profondément humaniste. Ces clichés mettent en lumière les évènements les plus traumatisants qu’ait connus l’Amérique depuis le début du 20 ème siècle. Droits civiques, émeutes, morts de Martin Luther King, John F. Kennedy ou encore Marilyn Monroe, attentats du 11 septembre, l’artiste ne s’interdit rien pour illustrer sa relecture historique.
Grâce à ces images, il expose ces faits marquants en prenant le parti du témoin plutôt que celui de la victime.
Pour le natif de Jacksonville, les crimes sont bien souvent emprunts de haine raciale, c’est pourquoi il a décidé de proposer ces réintreprétations ironiques de l’histoire. Près de 4000 personnes ont d’ailleurs assisté à l’inauguration de son exposition à la Weiss Gallery Andrew de Santa Monica samedi dernier.
« Ce qui m’intéresse c’est la réaction. Les réactions de gens, et leur perception de mon travail. »
L’artiste a d’ailleurs précisé qu’un membre du Ku Klux Klan lui avait envoyé une lettre pour partager sa désapprobation, tandis que d’autres personnes jugeaient ses représentations injustes et sévères.
Un travail militant
Habitué des critiques, l’artiste n’en est pas à son coup d’essai. Il a gagné en notoriété au fil des ans grâce à ces images choc, symboles d’une époque définitivement violente à tous niveaux. La cruauté envers les animaux, la violence domestique, Tyler Shields a toujours assumé ce côté très militant et dénonciateur, ce qui ne lui a pas toujours souri, recevant de nombreuses critiques de la part de la presse spécialisée pour s’être « trompé de cible« .
Shields affirme qu’il ne s’intéresse pas à la politique, pourtant son travail est porteur de nombreuses interrogations, invitant à la réflexion et au débat. S’il affirme que beaucoup ont loué son travail en évoquant « l’émotion » qui se dégageait de ses clichés, quelle soit positive ou négative, d’autres l’ont fustigé pour son manque de respect et de délicatesse à l’égard des sujets sensibles qu’il abordait.
Sa dernière collection ne fait donc pas exception à la règle et déchaine elle aussi les passions. Cependant les avis des observateurs ont été globalement positifs. Shields, satisfait de son travail, ne laissera pas les critiques entraver sa créativité et sa liberté d’expression.
« Je ne regrette rien, je suis très heureux de ce que je fais, et ne pas écouter les gens qui ont essayé de me descendre m’a permis d’être là ou je suis aujourd’hui. »
Pour visiter son site, et découvrir l’ensemble de son œuvre, c’est par ici !